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Mishka Henner

Rearranging Baldessari's Balls In a Straight Line (First Attempt)

2014/2021

Portfolio de 12 impressions offset 17,6 x 25,8 cm (image) / 24,1 x 32,1 cm (papier)
sur papier 300g/m2, avec coins arrondis
2 pages de justification avec colophon, numéro d'édition et signature
Étui de protection avec titre embossé à la feuille d'or, ouverture et rabat
Dimensions globales 24,5 x 23,5 x 1 cm
Édition signée de 100 exemplaires


« Par un jour d'été 2014 typiquement couvert, j'ai parcouru Internet à la recherche de quelque chose de significatif et je suis tombé sur des JPEG haute résolution de
Throwing Three Balls in the Air to Get a Straight Line (Best of Thirty-Six Attempts) de John Baldessari. L'influence de Baldessari sur mon propre travail était telle que l'envie de réaligner ses boules était irrésistible. C'est donc ce que j'ai fait, alors que de lourds nuages gris remplissaient le ciel à l'extérieur de mon studio de Manchester. »
(Mishka Henner)

En 1973, trois ans après avoir brûlé toutes ses peintures produites entre 1953 et 1966, John Baldessari (1931-2020) réalise une série de douze photographies rassemblées dans le portfolio Throwing Three Balls in the Air to Get a Straight Line (Best of Thirty-Six Attempts) contenant un groupe de lithographies offset sur papier couché (Edizioni Giampaolo Prearo & Galleria Toselli, Milan, édition de 2000 + 500 exemplaires). Baldessari lance dans les airs trois balles dans l'espoir que l'appareil photo, actionné par son épouse d'alors, Carol Wixom, les capture alignées dans le ciel. Sur les trente-six poses de sa pellicule, Baldessari retient les douze tentatives les plus concluantes sur lesquelles on peut voir les trois balles proches d'être alignées dans les airs. Il affirmera plus tard que la différence entre l'alignement projeté dans son esprit et le résultat physique constitue une métaphore de l'écart frustrant chez tout artiste entre la conception d'une oeuvre et sa réalisation.

La série légendaire de Baldessari, qui interroge les idées de performance et de hasard, renvoie à une autre oeuvre historique de Marcel Duchamp, 3 stoppages-étalon. En 1913-14 à Paris, Duchamp laisse tomber d'une hauteur d'un mètre trois fils mesurant chacun un mètre de long, sur des panneaux peints en bleu de Prusse. Suivant le motif formé par ces fils, trois règles en bois sont ensuite fabriquées et utilisées par Duchamp comme ses « étalons du hasard ». Baldessari a réitéré le geste de Duchamp, mais en exploitant la photographie et ses conséquences induites.

En 2014, Mishka Henner consacre quelques minutes à réarranger sur une ligne droite toutes les boules présentes sur les douze photographies de Baldessari. À l'aide de scans haute résolution et d'un logiciel de retouche numérique, il exauce, du premier coup, le voeu de Baldessari. En lui rendant ce service, il détruit simultanément l'idée fondamentale contenue dans l'oeuvre de Baldessari qui faisait elle-même référence à celle de Duchamp. Les logiciels de retouche numérique offrent l'illusion d'un monde parfait dans lequel les balles de Baldessari sont toutes parfaitement alignées et où aucune erreur n'est possible. Toute idée de hasard se trouve ainsi annihilée. Parfois la technologie, nourrie par la croyance au progrès, peut offrir l'illusion d'une solution alors même qu'elle génère davantage de dégâts.

En 2021, un an après la mort de John Baldessari, Mishka Henner produit avec la galerie Jean-Kenta Gauthier le portfolio Rearranging Baldessari's Balls In a Straight Line (First Attempt) contenant les douze photographies retouchées. Avec son fac-similé fidèle à l'édition originale, Henner rend hommage, par une plaisanterie significative, à un géant et à ses « balls ».

L'intérêt de Henner pour le questionnement de la nature de la paternité d'une oeuvre d'art est manifeste dans des travaux antérieurs. Avec Less Américains (2012), Henner a produit des scans haute résolution du mythique livre de photographies The Americans [Les Américains] de Robert Frank, publié en 1958, a zoomé dans chaque image et a minutieusement effacé les détails et les contours jusqu'à ce que seules subsistent des traces squelettiques des photographies originales. Un projet à propos duquel Henner a écrit : « En 1953, Robert Rauschenberg a effacé un dessin de Willem de Kooning. J'ai lu à ce propos et ai adhéré à l'impulsion de Rauschenberg. Je me suis demandé ce qui se passerait si l'on faisait la même chose avec l'oeuvre d'un colosse de l'histoire de la photographie. Ils s'agissait forcément des Américains, sacralisé et mythifié au point qu'un demi-siècle plus tard, il a généré sa propre industrie de vénération. » Dans Richtered (2012), Henner a vu des parallèles dans les peintures de Gerhard Richter et d'Ed Ruscha et les a remixées numériquement pour créer de nouvelles couches de sens là où les auteurs les avaient auparavant niées. Dans Sight Seeing (2021), Henner s'est concentré sur son propre regard en utilisant un logiciel d'oculométrie (autrement appelé « eye tracking ») pour suivre pendant 10 secondes le mouvement de ses yeux sur une image trouvée de High Yellow, oeuvre abstraite créée en 1960 par le peintre américain Ellsworth Kelly (1923 - 2015). Rearranging Baldessari's Balls In a Straight Line (First Attempt) (2014-2021) est le quatrième volet de l'entreprise de Henner qui interroge la paternité de l'oeuvre d'art au XXIème siècle.


(Jean-Kenta Gauthier)

1 200,00 €

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