Jardim Cinema

    « Un jardin peut, hélas, être un lieu de refuge, mais aussi, particulièrement en ces temps de destruction de la nature, un lieu de résistance, en ville comme ailleurs, un espace de et pour la poésie. La Nature a beaucoup à nous apprendre sur la résistance, pour peu que l’on ait la patience de l’observer et de l’appréhender. Ce projet est un manifeste, non pour être dans le jardin, mais pour être le jardin. » (Daniel Blaufuks)

    Avec Jardim Cinema, Daniel Blaufuks (né en 1963 à Lisbonne, vit au Portugal) présente de nouvelles œuvres qui, partant du jardin de l’artiste, suggèrent comment les jardins peuvent nous apprendre à naviguer dans le temps et l’espace. Situé près de Lisbonne, le jardin de Blaufuks entoure une maison construite par ses grands-parents qui ont trouvé refuge au Portugal après avoir fui l’Allemagne des années 1930. À travers un ensemble de collages sur papier A4, combinant divers éléments tels que des photographies instantanées et de famille, des textes, des documents et des plantes - un format cher à l’artiste et présent dans des projets antérieurs tels qu’Attempting Exhaustion (2009-en cours) et The Days Are Numbered (2018-en cours) - Blaufuks raconte l’expérience des événements historiques majeurs tels que vécus par sa famille. Ceci rappelant la forte prédilection de l’artiste pour l’intersection entre la mémoire privée et la mémoire publique. Multipliant à nouveau ici les références littéraires, Blaufuks propose des observations et des réflexions directes, encadrées sur les murs de la galerie, qui semblent contrebalancer l’innocence initialement suggérée dans son nouveau film Jardim Cinema. Dans de nombreuses séquences, Blaufuks accorde une attention méticuleuse à la vie dans son jardin. « Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup, devient l’infiniment grand, l’incommensurable…», dit Rainer Maria Rilke dans le prologue. Jardim Cinema comprend également un extrait du film Le jardin des Finzi-Contini réalisé par Vittorio De Sica et adapté du roman éponyme de Giorgio Bassani, paru en 1962. Dans le contexte de l’Italie fasciste et antisémite des années 1930, un groupe de beaux adolescents, tous vêtus de blanc, font du vélo, se dirigeant non pas vers le court de tennis, mais vers le camp de concentration. Les illusions qui peuvent entourer la mort étaient déjà au cœur de Terezin (2006-2016), vaste projet sur de la propagande entourant le camp de Theresienstadt et exploitée par les nazis pour tromper les Alliés. Cet avertissement est repris tout au long du film par la musique originale composée par Marco Franco, dans laquelle le piano, dansant parmi les notes aiguës comme des papillons, ne semble jamais pouvoir se libérer d’accords dissonants. Considérer le jardin comme un refuge implique l’existence d’une menace monstrueuse venant de l’extérieur - ou peut-être de l’intérieur. C’est aussi une métaphore de notre propre époque.

    Jardim Cinema était également le nom d’un cinéma légendaire inauguré à Lisbonne au début des années 1930. Fermé à la fin des années 1970, le bâtiment abrite aujourd’hui un bazar vendant des produits bon marché. Son destin illustre les changements récents subis par le Portugal, tandis que son nom d’origine - qui promouvait les projections de films en plein air - articule subtilement une expérience contradictoire : la tranquillité d’un jardin et les péripéties qui souvent font un film. Telle est la métaphore d’une relation possible au monde, à mi-chemin entre méditation et action.


    Daniel Blaufuks, Jardim Cinema est la deuxième partie d'Avant-Gardens, saison d'expositions à la galerie émanant de jardins d'artistes, en hommage à Ian Hamilton Finlay (1925-2006), poète et artiste conceptuel qui aimait se définir comme un « avant-gardener ».


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Avant-Gardens
7 septembre - 21 décembre
Jean-Kenta Gauthier Odéon & Vaugirard

Part. 1: David Horvitz, Avenues All Lined With Trees
7 septembre - 19 octobre
JKG Odéon & Vaugirard

Part. 2: Daniel Blaufuks, Jardim Cinema
26 octobre - 21 décembre
JKG Vaugirard

Part. 3: Hanako Murakami, Sufficiently Near
30 octobre - 21 décembre
JKG Odéon