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The Days Are Numbered (May)

Jean-Kenta Gauthier | Vaugirard

12 juin 2021 - 31 juillet 2021

Vernissage: samedi 12 juin, 11h - 19h

Depuis plus de trois ans, Daniel Blaufuks s'attèle à un exercice quotidien de poésie, d'introspection, de méditation. Chaque jour, il créée sur une feuille A4 une composition méticuleuse associant, selon le moment, ses photographies instantanées, des images trouvées, des documents, et ses mots, avant de la tamponner d'un numéro. Certains jours il crée même plusieurs oeuvres; il approche désormais le numéro 1300. Intitulé The Days Are Numbered (« Les jours sont comptés »), ce projet constitue comme un journal intime imprécis mêlant événements de la vie de l'auteur, interrogations existentielles, réflexions sur le monde, la photographie. Nous sommes particulièrement heureux d'organiser à Jean-Kenta Gauthier Vaugirard la première présentation de ce travail d'envergure en exposant, du 12 juin au 31 juillet, les oeuvres réalisées au cours du mois dernier et numérotées de 1229 à 1259, soit le dernier mois complet avant l'exposition, également le premier mois complet depuis la fin du confinement au Portugal où vit l'artiste.

The Days Are Numbered a pour motif visuel récurrent les obsessions de Daniel Blaufuks - les photographies de deux fenêtres, des fleurs de son jardin, des rochers sur la plage - et ses mots manuscrits apparaissent, souvent avec mystère pour le lecteur, dans les langues qu'il emploie dans sa vie - le portugais, l'allemand, l'anglais, le français. L'évocation de ses grands-parents allemands génère des mots en allemand, une citation de la presse américaine produit des mots anglais, le titre d'un tableau de Magritte ou de Manet engendre le français. The Days Are Numbered est comme une ligne de vie qui court en-deçà de chacun des projets de l'artiste, ainsi à l'instar de toute son oeuvre, Daniel Blaufuks unit ici l'intime et le public. L'ombre d'une plante par un 1er mai (MAYDAY en lettres tamponnées, tout autant « le jour de mai » qu'un S.O.S.) peut évoquer l'indifférence sourde de la crise sanitaire en Inde (india au crayon), la douceur de l'été qui arrive avec ses tournesols et ses cerises (waiting for the summer, « en attendant l'été ») n'éclipse pas notre brutalité (en petit: israël strikes gaza, « Israël frappe Gaza »). Et quand l'artiste voyage, le monde le poursuit: mekong river (« fleuve Mékong ») / un Polaroid de coucher de soleil probablement au Vietnam / the curds are trapped (« les Kurdes sont piégés ») (no. 0559, 18 octobre 2019).

The Days Are Numbered s'inscrit dans la continuité des oeuvres réalisées par Daniel Blaufuks pour l'exposition Aujourd'hui. Daniel Blaufuks, Eugène Delacroix, On Kawara présentée en 2018 au Musée Delacroix à Paris. Le visiteur y reconnaissait la fameuse fenêtre obsédante qui habite la série Attempting Exhaustion (2016) - une citation du texte de l'écrivain français Georges Perec - ou son compte Instagram @danielblaufuks qu'il conçoit depuis l'origine comme une version en ligne tantôt d'un journal intime, tantôt d'un carnet de notes. En 2015, Daniel Blaufuks publiait même This Business of Living (« Le Métier de vivre »), citation et adaptation du journal intime de l'écrivain italien Cesare Pavese, rédigé de 1935 à sa mort et publié de manière posthume sous ce titre.

Poésie vibrante faite de mots et d'images, The Days Are Numbered est l'oeuvre bouleversante d'un artiste qui, depuis le calme de sa cuisine, de son jardin, d'une bibliothèque à Budapest, d'un hôtel au Laos, prête l'oreille à la fois au « bruit de fond » de « l'infra-ordinaire » cher à Georges Perec - « ce qui se passe chaque jour et revient chaque jour » - tout autant qu'au bruit du monde. Et derrière la mélancolie ponctuée d'accès de joie, de colère, d'émerveillement, d'indignation, Daniel Blaufuks nourrit l'espoir: en numérotant chaque journée, il compte les jours passés et renouvelle comme un compte à rebours inversé de sa vie.

Jean-Kenta Gauthier, juin 2021



Daniel Blaufuks est né en 1963 au Portugal où il réside aujourd'hui après avoir voyagé de manière extensive et vécu en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Docteur en philosophie, professeur entre autres à la Faculté des Beaux-Arts de Lisbonne, il emploie majoritairement la photographie, la vidéo, le texte, et présente son oeuvre sous la forme de livres, d'installations et de films. Interrogeant les liens entre photographie et littérature, Daniel Blaufuks a une prédilection pour des questions telles que les connections entre l'espace et le temps, et l'intersection de la mémoire privée et publique. Il est l'auteur de nombreux livres acclamés par la critique et son oeuvre a fait l'objet d'expositions monographiques en 2011 au Museu de Arte Moderna de Rio de Janeiro (Brésil), en 2014 au Museu Nacional de Arte Contemporânea do Chiado à Lisbonne (Portugal) ou encore en 2019 au Pavilhão Branco, Galeria Municipal, Lisbon (Portugal) avec un commissariat de Sérgio Mah.

Communiqué de presse