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& Jean-Kenta Gauthier en conversation

05.02.2021 - 26.03.2022
il y a 2 jours

" [...] le monde, non plus comme un voyage sans cesse à refaire, non plus comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, [...] mais comme la redécouverte [...] d'une géographie dont nous avions oublié que nous étions nous-mêmes les auteurs. "
(Georges Perec, dans Espèces d'espaces, 1974)

À travers différentes techniques et protocoles, Raphaël Dallaporta interroge les liens entre le progrès et notre évolution, les mouvements du monde et la place que nous y occupons. L'exposition de Raphaël Dallaporta, Paraboles, présentée à la galerie Jean-Kenta Gauthier / Vaugirard du 5 février au 26 mars 2022, présente une série de nouvelles oeuvres photographiques et picturales à travers lesquelles l'artiste esquisse des paraboles de l'évolution du monde et des trajectoires du progrès.

Les sept oeuvres de la série Astrarium (2020) sont une métaphore de la nature non linéaire du progrès. Chaque photographie est le résultat de la mise en mouvement d'un cadran de l'Astrarium, la plus ancienne horloge connue de l'histoire, fabriquée au Moyen Âge par Giovanni Dondi et disparue à la Renaissance. Cet instrument a réussi l'exploit de calculer les positions à tout moment de l'année des sept principales étoiles et planètes connues de la science de l'époque en matérialisant le système géocentrique. Au milieu des années 1980, le Musée International d'Horlogerie (MIH, La Chaux-de-Fonds, Suisse) a réussi à reproduire l'horloge grâce au manuscrit original de Dondi conservé depuis six siècles à Padoue. En créant des images en mouvement de cette horloge, considérée à l'époque comme une merveille du monde, Raphaël Dallaporta en donne une nouvelle représentation.

En collaboration avec Masaki Kanazawa, conservateur au MIH, l'artiste a photographié le mouvement de chacun des cadrans de l'Astrarium à l'aide d'une source lumineuse et de longs temps d'exposition. La lumière forme ainsi des boucles qui reprennent leur cours en se déroulant ; les planètes semblent reculer pour mieux avancer, un phénomène appelé rétrogradation qui constitue pour l'artiste une métaphore du cours non linéaire du progrès, à l'instar de ce qu'écrivait le philosophe et historien Ernest Renan dans L'Avenir de la science (1890) : "Le vrai progrès semble parfois être un recul, puis un retour. Les rétrogradations de l'humanité sont comme celles des planètes. Vues de la terre, ce sont des rétrogradations ; mais absolument elles ne le sont pas. La rétrogradation ne se produit que pour les yeux qui ne voient qu'une portion limitée de la courbe".

Astrarium s'articule dans l'exposition avec Parcours (2022), un grand dégradé de pastel qui évolue du bleu au jaune pâle et fait référence au modèle scientifique montrant l'évolution de la température de l'univers. Cette théorie repose sur l'hypothèse que l'univers aurait dû apparaître bleu en moyenne à sa naissance, la tendance au réchauffement des galaxies passant ensuite à des couleurs plus chaudes. La couleur actuelle, qui s'apparente à un jaune pâle, a été officiellement baptisée "café au lait cosmique" par des astronomes de l'université John Hopkins. Le vaste dégradé de Raphaël Dallaporta, en référence à cette théorie de la couleur moyenne de l'univers, constitue ainsi une frise chronologique, aussi totale dans son ambition qu'approximative dans son exécution manuelle, qui embrasse l'ensemble de l'univers sur 20 milliards d'années.

Dans Parcours, le présent et toute la période de l'humanité, qui en toute logique ne dépasserait pas l'épaisseur d'un cheveu, sont incarnés par la photographie de Concorde en feu lors de son décollage le 25 juillet 2000, quelques secondes avant son tragique crash près de l'aéroport Charles de Gaulle. Cet événement a marqué la fin de la course au vol supersonique civil. Depuis ses premiers pas, l'homme avait réussi à se déplacer à Mach 2 jusqu'à cet accident, depuis lequel deux décennies se sont écoulées sans nouvelle accélération. Cet événement unique, datable à la seconde près, pourrait être le point de retour d'une boucle de rétrogradation dans l'histoire de la vitesse.

Astrarium et Parcours évoquent, selon des échelles temporelles variables, le cours non linéaire du progrès dans notre histoire. Ces oeuvres de Raphaël Dallaporta sont une leçon, elles renvoient à nos propres trajectoires et constituent des paraboles contemporaines.

 

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